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Les Mozarabes et le Camino : definition, introduction, hypothèses

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(17 octobre 2019)
Auteur.trice.s: Peregrino cangrejo

LES MOZÁRABES

DEFINITIONS :

Les Mozarabes étaient des chrétiens vivant sous domination musulmane dans la péninsule (Emirats, Califat, Taifas), surtout dans l'Andalousie et l'Extremadoure.

Ce nom a été attribué après la reconquête par les chrétiens du Nord, en référence à la culture arabe de ces chrétiens depuis des siècles (langue, vêtements, coutumes, habitudes alimentaires).

 

CADRE HISTORIQUE :

Après la conquête arabo-berbère de la Péninsule (711-713), les chrétiens (Wisigoths et descendants des populations locales romaino-celtibère, ...) se convertirent massivement et assez rapidement: on les appelait les Muladies et étaient intégrés à la société andalouse : ils atteinrent même les meilleures positions hiérarchiques: ainsi ces  princes wisigoths dont la descendance, les Banu Qasi, furent longtemps les émirs de Saragosse.

Un phénomène que les historiens ont très bien documenté et analysé.

Les Mozarabes sont, à l'inverse,  donc ceux qui ont suivi la religion chrétienne et ne se sont pas convertis.

L'appellation "Mozarabe" se prolonge pour définir les habitants d'Al Andalus qui ont émigré plus au nord et ont préservé pendant sept décennies environ des coutumes, des rites, une languedifférente des autres chrétiens.

Les Mozarabes en Al Andalus

Pendant la période de domination musulmane (711 à S. XIII en Estrémadure et majeure partie de l'Andalousie; 1494 à Grenade), les Mozarabes vivaient sous le statut islamique de Dimmies.

Ils disposaient de  leurs propres lois et juridictions, leurs lieux de culte (églises, couvents), leur clergé, leurs rites, mais devaient payer une taxe spéciale et sans possibilité de prosélytisme (ne pas sonner les cloches) et ne jamais convertir des musulmans en chrétiens

Les vestiges arquéologiques mozarabes sont paradoxalement peu visibles en al-Andalus, en Andalousie et Exrtremadoure, mias, comme on le verra, plus évidentes dans le Nord où ils se sont réinstallés.

On attribue désormais aux Mozarabes l'église actuelle de Santa Lucia del Trampal (Alcuescar): elle aurait été construite après la conquête musulmane. Eglise conventuelle, l'activité religieuse s'y serait arrété en 850 pour des risons inconnues.

Voir sur ce thème la conférence du dr. F. Moreno Martin du 6/11/2019 sur "Mérida berceau deu christianisme hispanique (en espagnol; voir rubrique VIDEOS)

 

 

L'histoire des chrétiens d'Al Andalus est bien documentée mais très débattue, quelquefois polémique (voir ci-dessous : BIBLIOGRAPHIE).

Ils ont vécu des périodes de coexistence pacifique et fructueuse, atteignant des charges élevées dans la hiérarchie d'Al andalus, participant aux débats philosophiques et théologiques que les Andalous ont tant aimés.

Des temps difficiles aussi : A commencer par de «controverses internes» à la société mozarabe, au IXe siècle, entre les partisans de l'acceptation des règles du pouvoir musulman, tandis que d'autres appelaient à la rébellion, à la profanation du Coran et au martyre, comme Eulogio de Córdoba (800-859).

A propos de la situation très complexe des chrétiens a al-Andalus et ) Cordoue au IXe siècle , voir ci-dessous dans DOCUMENTS la passiont texte de Cyrille Aillet "Identité chrétienne, arabisation et conversion à Cordoue au IXe siècle" (in « Les chrétiens dans la ville », Presse universitaire de Rouen et du Havre).

Leurs relations avec les chrétiens du Nord étaient également compliquées: par exemple, lorsque les rois chrétiens obtenaient des Emirs ou du Calife le transfert de reliques de Saints du Sud vers les territoires chrétiens du Nord : Comme le dit Jesus Sanchez Abalid dans plusieurs romans, les Mozarabes ont ainsi été privés des restes de leurs saints et de leurs martyrs vénérés.

Entre autres, on relèvera ainsi le transfert de Santa Eulalia de Mérida à Oviedo, de San Torcuato de Guadix à Celanova, tout près du Camino Sanabrés-Mozarabe.

Il est donc très probable que le Camino mozarabe soit aussi une route de circulation de reliques, car elle est la voie la plus praticable entre Andalucia et Leon / Galice (grâce aux ingénieurs romains de la  Via de la Plata!)

Migrations mozarabes:

L’empreinte des mozarabes d’Al Andalus diminue à partir du onzième siècle:

L'avancée des royaumes chrétiens limita le territoire musulman et offrit à l'inverse des territoires à repeupler plus au Nord: dans le  Leon, Zamora, la vallée de Guadiana (XIe siècle), comme nous le verrons plus tard.

La pression militaire croissante des rois chrétiens a également placé les Mozarabes dans la position d '«ennemi de l'intérieur», accusés d'avoir ouvert les portes des villes aux armées chrétiennes, ce qui s'est parfois produit, comme lors de la descente en Andalousie d'Alfonse Ier d'Aragon en 1125, d'ou " Il revient, chargé d'un fort butin et accompagné de quelque 10 000 mozarabes souhaitant s'installer en Aragon".

L'arrivée des Almorávides en 1090 en Al andalus, puis celle des Almohades, de culture venus du Sud marocain et de culture bien différente des Andalous européeens depuis des siècles, peuvent également expliquer cette migration des Mozárabes vers le nord, avec leurs évêques aux noms arabes, Bibles, reliques, liturgie propre, coutumes (comment ne pas manger de porc)

Les conditions de migration (volontaire ou forcée) de cette population, son étendue, ses destinations,… ne sont pas bien documentées (comme toujours dans les cas de telles migrations).

Concernant des exils forcés de chrétiens d'Al andalus, on peut mentionner par ailleurs les exils de mozarabes au Maghreb par les Almoravides au XIIe siècle au Maghreb (à titre de punition mais aussi pour coloniser le Maghreb avec des Andalous plus cultivés). Voir ci-dessous partie DOCUMENTS le texte intégral de D. Serrano : "Deux fatwas sur l'expulsion des mozarabes au Maghreb en 1126", dans Anaquel de Estudios Árabes, nº 2 (1991).

 


Les mozarabe dans le nord:

Pendant 70 ans (c'est-à-dire plusieurs générations), ces personnes nées à Al Andalus et rapatriés dans les terres reconquises et pacifiées du Nord se sont retrouvées avec leurs habitudes et leur culture arabe, après 3 siècles de séjour à Al Andalus.

Il y avait plusieurs zones, parmi lesquelles nous soulignons le Leon de Zamora, Tabara, le Tera où passe le Camino mozarabe. Frontière pendant 2 siècles entre les royaumes chrétiens et le califat,   cette région était dévastée chaque été par les armées chrétiennes ou musulmannes, devenant un vaste "No man's land" dépeuplé (le pèlerin peut encore constater  la pénurie de villages qui oblige à de longues étapes dans cette région.

Au onzième siècle, la frontière repoussée plus au Sud,  le roi et les nobles chrétiens ont donné des terres et le aidé le clergé mozarabe à s'établir ici.

On ignore comment cette installation s’est produite et pendant près d’un siècle au cours de laquelle les Arabes ont suivi des coutumes autres que les chrétiens du Nord.

Ainsi, il y avait à Leon des évêques appelés Habib, qui continuaient avec leurs propres rites, avec une population arabophone, cuisinant à l'huile d'olive, habillés en arabes et ne mangeant pas de porc.

Les problèmes théologiques discutés entre mozarabe et chrétiens du nord sont connus: Concernant la liturgie par exemple: parce qu’ils étaient isolés en terres musulmane, les Mozarabe ont râté plusieurs conciles et changements théologiques officiels, conservant leurs pratiques religieuses plus anciennes. Ils furent ensuite été accusés de ne pas être de bons catholiques, presque des héritiques de la hiérarchie officielle. Ce dont ils se sont défendus, mettant en évidence les siècles de résistance dans la foi chrétienne, malgré les pressions et les périodes de persécutions, dont témoignent leurs martyrs du IXe siècle.

À la fin du XIe siècle, les Mozarabe rapatriés dans le Nord durent s'hispaniser, changer de langue, de coutume, et de nom.


Église mozarabe de Santa Maria à TABARA

Eglise de Tabara, avec motifs architecturaux tyique des "églises de pèlerinage'

 

La "situation" Mozarabe:

Dans sa thèse Les Mozarabes. Christianisme, islamisation et arabisation en péninsule ibérique (ixe-xiie siècle), Madrid, Casa de Velázquez, 2010 418 p., Cyril Aillet, spécialiste français des Mozarabes, analyse (entre autres), les Bibles trouvées avec des commentaires écrits en arabe, c'est-à-dire par des moines mozarabes.

Manuscrit du 9ème siècle en langue wisigothique et arabe avec carte

Cyrille Aillet explique dans sa thèse (voir extrait dans "DOCUMENTS")qu'il existe, pour résumer, deux types de situations pour les Mozarabes:

- pendant Al Andalus dans les territoires musulmans jusqu'u XIe siècle;

- dans les territoires nouvellement reconquis, où ils ont émigré au Xe siècle, venant du Sud pour les repeupler.

Le Camino Mozarabe réunit donc les deux sites de cette "situation" historique. Le pèlerin constate que la trace des Mozarabe a presque disparu en Andalousie, mais qu'elle est bien visible plus au Nord, à Tabara ou Santa Marta de Tera. 


Voir parmi les manuscrits provenant de Tabara, le célèbre Beatus de Tabara


LE CAMINO MOZARABE, CHEMIN DE PELERINAGE MEDIEVAL A COMPOSTELLE ?

À partir du XIIIe siècle, après la reconquête de l'Estrémadure et de la majeure partie de l'Andalousie, les pèlerins du Sud empruntaient la voie du «Camino mozarabe» pour se rendre sur la tombe de l'apôtre, à l'instar de milliers de pèlerins en Espagne et en Europe.

Mais que s'est-il passé avant le IX-Xe siècle et leur départ d'Al andalus?  Le pèlerinage à Santiago de Mozárabes, vivant sous domination musulmane et rentrant tranquillement  chez eux dans le Sud musulman, est possible, pendant les périodes pacifiques et  mais non documenté.

La concordance des temps limite cependant l'ampleur de ce  phénomène: le succès du pèlerinage à Santiago ne se développe qu'au XIe siècle, lorsque la présence mozarabe à Al Andalus est déja très discrète.

Le pélerinage a Saint-Jacques de Compostelle vu par les Arabes :

Si on dispose de peu de documentation sur le pélerinage de chrétiens arabisés d'al-Andalus vers Compostelle, on connait bien l'intérêt du monde musulman pour Compostelle.

Dans son intéressante étude, "La peregrinacion jacobea en la literatura arabe medieval", Ana María Carballeira Debasa (Escuela de Estudios Árabes CSIC, Granada) retrace l'abondance et la précision des mentions de Compostelle et du pélerinage dans les sources arabes (voir ci-dessous, "DOCUMENTS").

 

 

PÉRÉGRINATION À SANTIAGO : UNE INVENTION MOZÁRABE?

Les Mozarabes ont peut-être eu un autre rôle pour le pèlerinage à Santiago: ... ne l'auraient-ils pas tout simplement inventé, en l'important dans leur exil au Nord (avec d'autres de leurs créations).

Il convient de noter tout d’abord que les Mozarabes avaient une longue expérience et une tradition bien établie en matière de pèlerinage:  les héritiers des premiers chrétiens hispano-romains de Mérida avaient organisé le premier grand pèlerinage chrétien d'Occident, dès le Ve siècle, venant de toute l'Europe se recueillir sur la tombe de Sante Eulalie de Mérida. Un pèlerinage dont on découvre des signes très anciens. 

D'autre part, la première mention de Santiago en Espagne remonte au VIIe siècle, soit avant la découverte de sa tombe en Galice, et elle se situe aussi à Mérida, la grande capitale romaine et centre spirituel des premiers chrétiens de la Péninsule.

Inscription mentionnant des reliques de 'IACOB" en Espagne, VIIes.

Musée d'art Wisigoth de Mérida

Enfin c’est également sur le Camino Mozarabe que la plus ancienne représentation de Santiago en pèlerin est (mal) conservée, à Santa Marta de Tera.

Statue de Saint Jacques enpèlerin (XIeme siècle). Signe de l'importance de la pérégrination sur le Camino Mozarabe, l'usure des colonnes sous la statue, lisses comme du marbre en raison des milliers de mains qui l'ont caressée.

CAMINO MOZÁRABE, GRAND ARBRE DE L'EXIL:

Ainsi, l'itinéraire du Camino Mozrabe semble dessiner toute l’histoire du peuple Mozarabe  : tel un immense arbre,  ses racines au Sud sont cachées, mais en suivant le tronc de la Vía de la Plata,  ses branches sont bien visibles en Castille-Léon, là où les Mozarabes ont été rapatriés, en transportant leurs légendes et leur culture, avant de disparaître en se mêlant aux autres espagnols.

BIBLIOGRAPHIE :

Mozárabes :

- Cyrille Aillet :  Les Mozarabes : Christianisme, islamisation et arabisation en péninsule ibérique (IXe—Xe siècle) ; Préface de Gabriel Martinez Gros  Editions Casa de Velasquez (2011)

Les Mozarabes : Christianisme, islamisation et arabisation en péninsule ibérique (IXe—XXIe siècle)

Introduction :

L'histoire des « mozarabes » a suscité des débats acharnés, mais qui convergent vers l'image d'une communauté fossile, maintenue sous perfusion après le ixe siècle. Pourtant, la geste des martyrs de Cordoue ne constitue pas le chant du cygne, mais au contraire l'origine même du mozarabisme en péninsule Ibérique. La formation d'une culture arabo-chrétienne dans la seconde moitié du ixe siècle témoigne de l'avancée du processus d'islamisation, mais aussi de la profondeur de l'arabisation dans la société.

Cet ouvrage s'interroge sur l'échec de ce mouvement d'acculturation, qui se mesure au rôle social et culturel marginal que joue le christianisme arabisé en al-Andalus à partir du xie siècle. Parmi les facteurs d'explication avancés, des migrations continues disséminent dans les terres de marges du nord de la Péninsule des noyaux de populations chrétiennes arabisées, contribuant à faire de cette « situation mozarabe » un phénomène transfrontalier, prolongé à Tolède jusqu'au xive siècle

- Jesus Sánchez Adalid :

  • El Mozárabe, Harper Collins
  • El Camino Mozárabe Booket
  • El alma de la ciudad, Booket

 Actes, artícles, thèses :

José Enrique López de Coca Castañer:
http://www.vallenajerilla.com/berceo/lopezcoca/cristianosenal-aldalus.htm

SERRANO, D.: "Deux fatwas sur l'expulsion des mozarabes au Maghreb en 1126", dans Anaquel de Estudios Árabes, nº 2 (1991)

- Martínez Díez : La emigración mozárabe al reino de León, siglos IX y X Universidad Historia del Derecho Universidad «Rey Juan Carlos». Madrid

- Vincent Lagardere : Communautés mozarabes et pouvoir almoravide en 519H/1125 en Al Andalous Studia islamica N°67, 1988 Maisonneuve et Larose

- Mª Jesús Aldana García y Pedro Herrera Roldan Latomus : Prudencio entre los mozárabes cordobeses : algunos testimonios, Société d’études latines Bruxelles 1997

- II Congreso internacional Camino Mozarabe de Santiago Mérida 2013 : Isidro Rodríguez Rodríguez, Jesus Sanchez Adalid, Isaac Sastre de Diego, Miguel Alba Calzado

Histoire de l’Espagne musulmane : tome III : Le siècle du califat de Cordoue

Al Andalus :

- Evariste Levi-Provençal :

Histoire de l’Espagne musulmane : tome III : Le siècle du califat de Cordoue Maisonneuve et Larose, (1950 reed. 1999)

- Memorias de Abd Allah, ultimo rey Ziri de Granada destronado por los Almoravides; con Emilio García Gómez Alianza literaria 1956 2005

- Histoire de l’Espagne musulmane : tome III : Le siècle du califat de Cordoue Maisonneuve et Larose, 1950 reed. 1999

- Séville musulmane au début du XII siècle Le traité d’Ibn Abdun sur la vie urbaine et les corps de métiers Maisonneuve et Larose, 2001

- André Clot : L’Espagne musulmane Editions Perrin, décembre 2004

- Pierre Guichard : Al Andalus Hachette Pluriel 2000

- Ibn al Kardabus : Historia de al-Andalus Felipe Maíllo Salgado Akal 2011

- Julio Caro Baroja : Los moriscos del reino de Granada Istmo, 2000

- Idelfonso Falcones : les révoltés de Cordoue Robert Laffont 2009

- Defina Sereno : Ibn al-sid Al Batalyawsi : de los reinos de taifas a la epoca almoravide a través de la biografia de una ulema polifacético Revista Al qantara CSIC

Actas, articulos :

-  Cahiers de la Méditerranée : Leila Maziane : Salé au XVII siècle, terre d’asile morisque sur le littoral atlantique marocain.

- Rencontres d’Averroes : L’héritage Andalou, divers auteurs, dir. Thierry Fabre, éditions de l’Aube, 1995

 

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Liens

Eulogio y los martires de Cordoba :

https://es.wikipedia.org/wiki/M%C3%A1rtires_de_C%C3%B3rdoba

 

Cyrille Aillet : bio et écrits sur le Mozarabes :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyrille_Aillet

 

José Enrique López de Coca Castañer: CRISTIANOS EN AL-ANDALUS (siglos VIII-XII) en espagnol

http://www.vallenajerilla.com/berceo/lopezcoca/cristianosenal-aldalus.htm

 

 

 

 

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